DU 1er AU 29 JUIN 2019
GALERIE RÉPLIQUE — RODEZ

Tamina Beausoleil est une artiste, une chasseresse scrutant attentivement ses contemporains à l’affût de leurs failles animales. Elle traque, obsessionnelle, nos filiations bestiales devenues imperceptibles dans nos quotidiens urbains. Sans ciller, elle braque un regard troublant sur le monde des hommes en explorant l’inquiétante frontière entre humanité et bestialité.
Au fil des dédales de planches anatomiques, le regard s’abîme à dissocier les corps où se confondent organes et attitudes, intérieur et extérieur. Par le biais d’entrelacements, de superpositions d’humains et d’animaux, ces dessins aux airs d’énigmes à résoudre mettent à jour des parentés, faites d’échanges et de confrontations. Des entités hybrides apparaissent en transparence et s’amusent à déplacer les limites entre visible et invisible. Ces multiples croisements de corps et d’histoires s’entendent comme des échos directs aux techniques plastiques employées à leurs créations. Tamina Beausoleil révèle par le dessin, puis de la pointe du scalpel entaille et prélève peaux, poils et organes pour donner vie à ses propres mythologies.
Avec incision, elle donne à voir, puis brouille les pistes à nouveau. Sans cesse, par un jeu de constante bascule, elle nous montre l’humain derrière la bête, la bête derrière l’humain. Jamais elle ne nous permet de distinguer clairement l’un ou l’autre mais préfère laisser planer le doute sur les identités des êtres qu’elles révèlent, attisant nos désirs voyeurs sans jamais les satisfaire pleinement.
Ce désir d’enchevêtrement s’observe au travers du langage. Un langage qu’elle fouille jusqu’à faire émerger un étrange sentiment : quelque chose que l’on aurait terriblement eu envie de dire sans jamais réussir à le formuler vraiment. Tamina Beausoleil extrait de cette langue qui nous appartient à tous, les noms d’animaux qui peuplent nos imaginaires familiers. Elle donne vie à ces « chien », « chienne », « porc », « morue » et autre « thon » et « blaireau ». En associant ces mots à des corps humains, elle en fait surgir leurs aspects stéréotypés et nous place face à nos propres désirs, entre identification et répulsion. Et le sexe, omniprésent dans ses travaux autant qu’il peut l’être dans nos vie apparaît alors comme la trace indélébile de nos similarités animales.
A la vision du travail de l’artiste, c’est l’évidence de ces associations sexistes qui nous frappe. Associations que Tamina B. attribue à la conception spéciste de notre civilisation hiérarchisant les espèces en positionnant l’homme à son sommet. En prise direct avec le présent, elle nourrit son travail de la réalité écologique que connaît notre siècle, entre anéantissement biologique des espèces et évolution du statut des animaux. Une vision paradoxale irrigue donc l’ensemble de son travail. D’un côté l’impression que l’homme est une exception parmi les êtres qui peuplent la terre. De l’autre, l’idée que nous faisons parti d’un écosystème global au même titre que les animaux. Elle interroge ces deux facettes et certifie par le dessin que la preuve est du côté de l’œil : Nous ne sommes sensiblement que des bêtes.
Un peu anthropologue, un peu éthologue Tamina Beausoleil dissèque nos comportements humains. Attentive aux non-dits, elle débusque derrière nos attitudes d’apparence complexes et raffinées, les rouages profonds des instincts primaires qui les guident. Elle fait apparaître des tunnels entre deux mondes a priori étanches et révèle des porosités entre nature et culture.
